Aurélie Slonina

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Thomas Maillet Mezeray

École Normale Supérieure - Département de Philosophie / 2022

 


Le sous-bois est cet espace végétal singulier, intermédiaire entre sol et canopée, où se conjuguent trois strates forestières : la strate arbustive, la strate muscinale et celle herbacée. Creuset de biodiversité, il se situe aux antipodes de l’homogénéité bétonnée de la ville. C’est pourtant cette étrange association qu’explore Aurélie Slonina dans cette installation présentée à l’occasion de l’exposition « Urbanité verte » au Centre Tignous d’Art contemporain. La strate herbacée y a été remplacée par une couche de bitume. Les arbustes ont laissé la place à des objets hétéroclites parmi lesquels on reconnaît plusieurs vocables du langage de l’artiste : le désodorisant de Fraîcheur marine (2009) et de Fraîcheur végétale (2012) ; les chaussures de Sunrise (2015), en particulier les baskets que l’on retrouve comme éléments compositionnels de Green touch (2014) et de Hors-sol (2020). Artefacts signifiants : ne sont-ils pas les témoins d’une société qui met à distance l’homme de la nature – une nature considérée comme sale dont il faudrait se prémunir de tout contact et masquer les odeurs ? En contrepoint, les champignons représentent l’unique forme de vie. Organismes encore mystérieux pour les sciences naturelles, ni animaux ni végétaux, ils déjouent les taxons botaniques qu’Aurélie Slonina aime subvertir. Ce n’est donc pas un hasard s’ils rentrent à plusieurs reprises dans ses compositions : Hepatica fistulina #1 (2010), Hepatica fistulina #2 (2010), Big bang (2012). Compositions où ils sont dotés d’une valeur symbolique ambiguë : parasites se nourrissant de leur hôte, ils remplissent aussi une fonction écologique cruciale en dégradant la matière. Cette dernière valeur semble davantage accentuée dans Sous-bois. Force de régénérescence, ils pullulent sur les déchets synthétiques et laissent poindre l’espoir d’une reconquête de la nature. L’amas central de graviers participe de l’équivoque. S’agit-il d’un tumulus, hommage funèbre à une nature étouffée sous le macadam ? Ou bien est-ce le signe d’une végétation sur le point de briser le bitume et de reprendre ses droits ? Avec la présence d’objets devenus déchets affleure la question du temps. Cette thématique n’est pas nouvelle dans l’œuvre de l’artiste : La Dérive des météores (2020) exprimait « une vision futuriste inquiétante ». Avec Sous-bois, c’est un certain rapport au passé, peut-être nostalgique, qui transparaît. L’escarpin et la sandale aux lanières dorées sont-ils les souvenirs des soirées festives d’une jeunesse désormais éloignée ? Et le morceau de couronne, un fragment d’enfance qui ressurgit ? Quelles que soient les questions soulevées et les interprétations esquissées, l’hybridité de cette installation en fait une matrice d’idées interrogeant notre rapport à nous-mêmes et à notre environnement.

 

 

 

Léa Bismuth

Auteure, critique d'art, commissaire d’exposition / 2021

 


Gestes d’échappée - Aurélie Slonina

Si nous ne pouvons penser les formes artistiques en dehors de la temporalit é dans laquelle on les perçoit, on peut dire qu’il y a d’heureuses coïncidences, nous permettant peut être de regarder, avec une acuité plus grande, certaines d’entre elles. Qui n’a pas vu fleurir ces derniers mois 1 ces herbes que l’on dit mauvaises et invasives, aux abords des trottoirs, entre les failles du bitume, à la lisière des murets de nos immeubles Des herbes tenaces, coriaces, vertes malgré tout, aux feuilles souvent pointues et crénelées, aux tiges longues et fières. Qui n’a pas « posté » sur les réseaux sociaux des images prises à la hâte et au téléphone portable, d’oisillons sur les rebords des fenêtres, de fleurs épanouies d’un printemps précoce, ou d’herbes subversives qui avaient pris le dessus sur toute domestication face à des jardiniers absents C’est de cette manière que je regarde aujourd’hui Replicant ( une oeuvre qui consiste en un geste de déplacement repre ndre une composition florale des jardins du château de Versailles, héritière du classicisme paysager de Le Nôtre, pour y substituer pissenlits, chardons et orties. Le geste est amusé et irrévérencieux, il se joue des codes, s’approprie un vocabulaire pour le détourner.

Il n’y a pas de mauvaises herbes
Mais qu’appelle t on une mauvaise herbe? Une simple recherche de novice sur internet m’apprend notamment que l’on se trompe bien souvent sur cette appellation toutes les mauvaises herbes ne le sont pas. Disons que, comme pour beaucoup de choses, c’est une question de point de vue. Par exemple, n’oublions pas que le pissenlit est bien une plante comestible 2 qu’elle favorise également la pollinisation, et par là même la biodiversité. Dans le fond, pourqu oi avoir inventé une telle expression mauvaises herbes et où se niche le problème Le langage a ici plus d’un tour dans sa poche en inventant cette expression qui colle désormais à la peau de ces herbes, on les stigmatise, et en les stigmatisant, on autorise tout un chacun à utiliser du «désherbant» en toute bonne conscience. Car, in fine ce qui est redouté là est bien le caractère invasif et expansionniste de ladite herbe. Incontrôlable et proliférante, c’est sans doute son anarchisme qui a effra yé très tôt les jardiniers adeptes de l’organisation et de la maitrise 3 C’est précisément sur ce point que le travail d’Aurélie Slonina prend une dimension engagée, dé ployant un regard sociologique, transportant le concept de « mauvaises herbes » vers ce que la société coercitive nomme les «indésirables» ces êtres que l’on repousse dans les « banlieues », ces lieux de la mise au ban, ou par delà les frontières nationales.
Très tôt, c’est à dire à l’âge classique, relisons Foucault, on a aussi enfermé la folie dans des asiles prévus à cet effet. On peut sans doute faire l’hypothèse que l’expression « herbe folle » date de la même époque. En consultant un dictionnaire je lis que les « herbes folles » sont qualifiées ainsi car elles « poussent n’importe où », « au hasard », sans être « maîtrisées par l’homme ». Imaginons a contrario des herbes « non folles », des « herbes normales », qui pousseraient là où on leur aura it demandé de le faire, quel ennui Dans d’autres oeuvres, Aurélie Slonina poursuit cette recherche citons Fluorescence ( une série de pochoirs reprenant cette fois à son compte la logique spontanée des graffitis sur les murs des villes en autant d’herbes folles imaginaires et peintes en vert fluo aux abords des trottoirs. Également, pour le travail installatoire et éphémère Friche à la française (2009-2012), les plans de Le Nôtre deviennent terrain de jeu — aux volutes et courbes parfaites — pour la propagation de ces herbes « enragées ». Je pense ici à Gilles Clément, à son concept de « Jardin en Mouvement », cet espace de vie inspiré de la friche et consacré « au libre développement des espèces qui s’y installent »4. Dès lors, il s’agit avant tout de « conserver les espèces ayant décidé du choix de leur emplacement », et donc par-là même de s’accorder, avec elles, sur leur capacité spécifique de liberté et d’action. Gilles Clément théorisa aussi le « Jardin planétaire » en une apologie féconde de la diversité écologique, saisissant au plus près les enjeux politiques du jardin comme « lieu de l’invention possible »5. On peut faire ici l’hypothèse que Aurélie Slonina transpose à sa manière le concept de « Tiers-Paysage » dans le contexte urbain. À ce titre, dans l’une de ses dernières recherches, pour l’installation Guests, il s’agit de travailler à partir du matériau de la bâche, celle qui permet notamment aux migrants de créer des cabanes de fortune. Dès lors, ces « indésirables, au-delà des problématiques environnementales, deviennent la métaphore possible d’une réalité sociale », explique-t-elle.

Dérive des météores sur un air de SF
Aurélie Slonina développe aussi son travail sur le terrain de la spéculation critique et cosmique. Des jardinières de nos espaces urbains aux fantasmes SF de météorites tombées du ciel, elle franchit le pas lors de son exposition à La Maréchalerie de Versailles intitulée La Dérive des Météores (2020). Qu’y trouve-t-on ? Dans un espace plongé dans l’obscurité, en une installation immersive, le spectateur découvre des blocs gris et facettés, suspendus dans les airs et faiblement éclairés. Ces formes sculpturales sont inspirées de jardinières en béton typiques de l’aménagement urbain des années 60, au design « diamant », mais là, rien n’y pousse, si ce n’est les projections mentales d’un monde futur. Ces « objets volants non identifiés sont venus s’échouer sur terre », comme le raconte l’artiste. Et nous basculons alors dans une réalité inquiétante, parallèle autant que plausible. C’est là qu’un être, que l’on pourrait qualifier de « témoin humain » de la scène, intervient : ce petit personnage, fidèle à la stature d’un enfant de cinq ans, reste silencieux. Il se nomme Hors- Sol, il est vêtu d’un costume urbain de notre temps (sweat à capuche, jean, baskets), mais pourtant il ne nous regarde pas, son visage étant dissimulé derrière un casque de réalité virtuelle, si bien que l’on en vient à se demander si toute cette mise en scène ne serait pas une projection de son esprit à lui, petit démiurge d’un conte à l’intérieur duquel nous ne serions autres que ses hôtes, déambulant dans un paysage virtuel de sa confection. Hors-Sol est en céramique. Hors-Sol est vert comme les feuilles chargées de chlorophylle. Il est entre les règnes, entre les temps. Un trouble persiste entre toutes ces formes, ni tout à fait naturelles, ni tout à fait artificielles. L’artiste parle alors volontiers d’ « échappées » en référence aussi à la pièce video du même nom (Échappée, 2020) constituée d’un montage vertigineux de photographies prises entre la périphérie parisienne et le désert californien. Il faut se rappeler que l’on parle d’ « échappée de vue » pour une perspective — de ciel ou de lointain — entrevue par un espace libre. L’échappée, alors, est ce qui permet au regard — comme aux plantes et aux espèces — de respirer. Parions donc sur une grande inspiration, avant de pouvoir enfin souffler dans le monde abîmé que nous habitons.

 

 

 

Frédéric Keck

Directeur de recherche au Laboratoire d’anthropologie sociale

CNRS - Collège de France - EHESS / 2021

 

Filtrer les plantes invasives : art, nature et modernité dans le travail d’Aurélie Slonina

D’où vient le vertige qui nous saisit devant « la Dérive des météores » ? En quoi cette œuvre bouleverse-t-elle nos certitudes ? Nous entrons dans la pièce de la Maréchalerie et nous voyons des morceaux de béton planant dans l’air ou fichés dans le sol selon un ordre apparemment arbitraire et par une suspension miraculeuse. Quand nous remarquons le petit personnage vert en céramique, nous nous plaçons dans son axe, et ce qui ressemblait à une invasion extra-terrestre devient une série de jardinières vides, témoignant d’un paysage aboli. Ces ruines d’un monde ancien s’animent dans le regard du personnage vert, qui ressemble à un invader ou à un jardinier – mais peut-être faut-il toujours le regard d’un étranger pour mettre de l’ordre dans une nature sensible. Dans le casque qu’il porte se projette le film que nous voyons derrière la pièce principale. D’autres jardinières, remplies cette fois de plantes urbaines, alternent avec des jardins à la française, des ronds-points plantés de fleurs colorées ou des cactus et palmiers du désert californien. La caméra tourne autour de l’arbre, et soudain elle prend le point de vue de la plante sur le paysage environnant. Le vertige tient à cette possibilité permanente de changer de point de vue : sommes-nous dans les montagnes ou dans l’arbre, dans la réalité d’un monde en ruines ou dans le regard du jardinier qui imagine un monde possible ?

Face à la crise écologique, l’anthropologie contemporaine a déstabilisé les formes de la connaissance scientifique. Depuis la révolution des Lumières au 18e siècle, le sujet connaissant impose ses formes à une réalité sensible jusqu’à la faire disparaître dans l’abstraction : c’est le sens de la philosophie critique d’Emmanuel Kant. La coupure anthropologique entre nature et culture, qui organisait la classification des sociétés, reflétait cette séparation première entre sujet et objet, et se redoublait par la délimitation entre l’urbain et le sauvage dans chaque communauté humaine. La prolifération des formes invasives sous l’effet de la crise écologique semble mettre en question ce désir d’organisation qui est au principe de la modernité critique et de l’esthétique kantienne. Mais la possibilité même de faire une œuvre, de donner à voir des différences, semble liée à ce projet d’une subjectivité organisatrice. Comment percevoir la nature au temps des invasions qui en contestent l’organisation moderne ? Telle pourrait être la question centrale posée par les œuvres d’Aurélie Slonina. Ce travail esthétique reformule la question critique qui ouvre la modernité (à quelle distance devons-nous mettre du réel pour bien le percevoir ?) à travers le thème des plantes infiltrées. Du fait de la globalisation, les bonnes plantes sont devenues des mauvaises herbes en débordant les frontières des écosystèmes où elles étaient adaptées. Mais la botanique montre qu’il n’y a pas d’opposition entre bonnes plantes et mauvaises herbes, et que l’arrivée d’un être dans un écosystème est l’occasion d’une nouvelle symbiose. C’est pourquoi Aurélie Slonina décrit ces êtres comme des « infiltrés » pour rappeler qu’ils ont passé un filtre, un grillage, une frontière, et qu’ils ont dû mettre les formes pour se présenter à nous. Si les invasifs doivent passer des filtres pour être considérés comme des invités, ces filtres peuvent devenir des œuvres d’art lorsqu’ils sont vus dans la perspective de ceux qui les traversent plutôt que dans le regard de ceux qui les construisent. Dans « Friche à la française » , Aurélie Slonina fait pousser des pissenlits, des ronces et des orties suivant un plan dessiné par Le Nôtre, montrant ainsi que les mauvaises herbes peuvent graduellement et silencieusement déborder le cadre du jardin à la française. Dans « Treillis », un grillage prend la forme d’un champ électromagnétique polarisé par plusieurs centres, comme si le cadre classique de la perspective imposé aux jardins pouvait éclater lorsque les mauvaises herbes viennent y pousser. « Guests » fait fleurir dans la cour d’un immeuble parisien des bâches bleues analogues à celles que plantent les migrants dans les parcs et les banlieues des villes européennes. « Line up » nous invite à une expérience analogue à celle que fit Temple Grandin en s’imaginant comme un animal entrant dans les couloirs d’un abattoir : nous sommes à la place plantes fauchées par le tracteur, et nous dessinons, bon gré mal gré, un nouveau jardin à la française.

Aurélie Slonina peut être comparée à l’artiste de rue Invader. Comme lui, elle cherche à faire exploser le cadre des villes en y insérant visuellement des éléments qu’elles ont refoulés sur leurs marges : les mauvaises herbes de nos jardins ou les créatures virtuelles de nos jeux électroniques. Mais l’imaginaire virologique des deux artistes n’est pas le même. Pour Invader, le virus fait exploser la cellule qui l’accueille par le désir qu’il suscite de le répliquer, du fait de la simplicité de son information, comme le street art fait dérailler le marché de l’art par ses alias aisément reproductibles et destructibles. Pour Slonina, le virus s’accroche à la surface où il est invité et fait proliférer de nouvelles formes, selon une modalité plus proche du land art. Les champignons qui poussent sur des boules lumineuses ou des chaises en plastiques, dont la forme est empruntée à ceux qui croissent sur les arbres des forêts, peuvent être appelés « virus », ou plutôt « parasites », car ils constituent des symbioses avec l’organisme dans lequel ils s’insèrent, l’aidant ainsi à accueillir de nouveaux êtres vivants. Le travail d’Aurélie Slonina est une mise à l’épreuve des filtres que nous construisons pour percevoir le réel par les infiltrés qui les traversent. En mettant en scène les plantes qui parviennent à passer ces filtres, l’artiste nous conduit à en interroger la relativité, en comparant les mesures de sécurité imposées à Paris, Berlin ou Los Angeles pour contrôler les plantes dans les œuvres d’art. Chacune de ses œuvres est une expérimentation sur ce qui passe un filtre dans un environnement donné. C’est pourquoi elles ont un pouvoir critique, en jouant sur les formes par lesquelles nous imaginons ce que nous appelons la nature.

 

 

 

Guillaume Lassere

Commissaire d’exposition - critique d’art / 2018

 

Aurélie Slonina, l’art de l’infiltration positive Nommée au Prix MAIF avec “Special Guest”, projet de sculpture-architecture qui réunit des notions contraires pour révéler les incohérences de notre époque, Aurélie Slonina poursuit son infiltration d’éléments indésirables dans l’espace urbain. Ses œuvres aux formes hybrides témoignent de la tentative illusoire d’une domestication maîtrisée du vivant.

Parmi les cinq finalistes retenus par le jury du onzième Prix MAIF pour la sculpture ne figure qu’une seule femme, Aurélie Slonina. Artiste discrète, elle compose depuis vingt ans une œuvre qui interroge la place occupée par la nature dans les espaces urbains en infiltrant des “indésirables” dans des lieux publics ou privés. Elle accorde ainsi une place prépondérante à ce qui est volontairement caché ou que l’on refuse de voir et vient perturber le contrôle des hommes sur un environnement qu’ils s’efforcent de maîtriser. Dans la forme comme dans le fond, ses œuvres sont les points de rencontre de deux mondes diamétralement opposés : l’un organisé et sous contrôle, l’autre anarchique et considéré comme nuisible. Comme l’artiste autrichien Lois Weinberger, elle utilise la métaphore d’une communauté des plantes pour révéler la société des humains. Elle privilégie les « mauvaises herbes » à qui elle donne un nouveau statut lorsqu’elle les présente dans les parterres extrêmement composés de jardins à la française. « Special Guest » est l’occasion de revenir sur le travail engagé de l’artiste, de retour en région parisienne où elle vit et travaille désormais après plusieurs séjours à Berlin et quelques années à Los Angeles. Deux villes, deux cultures, dont on retrouve l’influence dans ses œuvres. L’art et la nature, présents à chaque coin de rue de la capitale allemande, renforcent son goût pour l’étude d’une végétation urbaine évoluant sous surveillance. En Californie, elle fait l’expérience du désert et de la lumière, éprouve l’immensité des espaces de la cité des anges. Le sentiment d’être dans l’infini détermine chez elle une nouvelle approche de l’espace. De cette ville du futur déjà obsolète s’échappe une étrangeté ordinaire qui donne l’impression que tout devient possible.

Hybrider les notions contraires

Projet pour une sculpture en bronze, « Special guest » s’inscrit dans la continuité du travail d’Aurélie Slonina, qui en montrant ce (ceux) que l’on ne veut pas voir, souligne l’ambivalence d’une époque pour le moins contradictoire dans sa gestion du vivant et de ses flux. Elle révèle ici un provisoire durable en choisissant d’utiliser un matériau robuste pour figurer la fragilité des plis d’un origami géant réalisé à partir d’une bâche en plastique bleue, symbole désormais de l’habitat précaire des migrants. Témoin banalisé de l’ampleur de la crise humanitaire qui se joue ici et maintenant, ce morceau de plastique ordinaire se multiplie au fur et à mesure des arrivées pour devenir omniprésent dans notre espace urbain. Cette allégorie tragique d’une situation d’urgence et de détresse s’invite dans notre quotidien lorsque le temporaire devient constant. Pour incarner physiquement cette pérennité de la précarité, l’artiste réunit les deux notions contradictoires dans un métissage plastique. Aurélie Slonina compose des œuvres hybrides engendrées par la fusion des contraires, représentations métaphoriques des dissonances du monde. Le trouble provoqué est ici renforcé par une interprétation plurielle du matériau. Si la qualité solide du bronze contredit la légèreté de la bâche pour rendre tangible l’effet d’un provisoire qui dure, à l’inverse, il vient anoblir la pauvreté de la matière plastique. Le précieux alliage de cuivre et d’étain, réservé traditionnellement à la représentation des élites et des rois, impose une image magnifiée des migrants. L’éclat solennel de l’airain gomme les préjugés qui stigmatisent ces populations. Aurélie Slonina désaxe ainsi le regard que l’on porte sur l’autre, celui qui est différent. L’habitat de fortune incarné par la bâche de plastique bleue se transforme en objet poétique sous les plis de l’art japonais de l’origami. Ne nous y trompons pas, s’il parait de prime abord pondéré et ludique, l’art sensible d’Aurélie Slonina convoque la forme plastique pour affirmer un propos politique.

Diplômée de l’Ecole nationale supérieure de Paris-Cergy en 1996, elle fait de la nature l’axe principal de ses recherches. Loin de proposer une image bucolique de paysages sauvages, elle la représente urbaine, c’est-à-dire, captive, contrôlée, artificielle. La nature qui l’intéresse est celle des villes, une nature hybridée par la volonté des hommes qui la placent sous surveillance. Dans les œuvres d’Aurélie Slonina, elle prend la forme de soucoupes volantes organiques ou de jardinières graffiti, de paysages de jeux vidéo, pour témoigner des relations ambigües que nous entretenons avec notre environnement naturel. Pour autant, il n’est pas question de revenir au concept d’une terre mythique d’avant les hommes. Pour l’artiste, il n’y a pas d’Eden originel.

Son art documente avec la plus grande précision les actions de l’homme transformant la nature dans un contexte urbain, l’apprivoisant dans la ville. Nature simulée comme celle des espaces verts, elle est tenue de muter pour répondre aux contraintes communes (et donc artificielles) d’organisation et de bon fonctionnement de la cité. Toutefois, une nature totalement domestiquée, entièrement sous contrôle n’est qu’illusion. Les mauvaises herbes poussent sous le béton. Considérées comme nuisibles, tenues à bonne distance par peur de l’anarchie et du chaos, elles se révèlent pourtant indomptables, poussant fièrement dans les craquelures des dalles de béton, comme pour affirmer leur existence et leur droit à la différence. Le troublant parallèle avec la société des hommes invite à reconsidérer notre rapport à l’autre, « indésirable » dans notre environnement parce que différent, comme le sont des mauvaises herbes dans un espace végétal urbain contrôlé. L’art d’Aurélie Slonina autorise la présence d’exclus là où ils sont précisément interdits : ce sont des plantes rudérales qui répondent à la rigueur géométrique d’un jardin à la française selon un plan de Le Nôtre (« Friche à la française », installation végétale, 2009-12), des orties qui délimitent un labyrinthe – symbole de discipline à travers la maitrise du jeu –, dans un jardin public (« Labyrinthe », installation végétale, 2010), des images de forêts plantées par l’homme qui se succèdent dans une vidéo dont le montage saccadé vient perturber cette harmonie, rappelant son artifice (« Flying saucer », vidéo, 2014), des végétaux colonisant une basket et divers autres objets, témoins éphémères d’une vie antérieure à une catastrophe écologique, œuvres de porcelaine dont la préciosité fragile contredit l’état de délabrement de ces éléments laissés à l’abandon («Sunrise», porcelaine émaillée, 2015).

 

 

 

Anne Le Goff

Philosophe - UCLA Institute for Society and Genetics / 2015

 

La nature dans la ville, ce sont de petits îlots, sanctuaires pour végétation apprivoisée. Censés donner au citadin une touche d’authenticité, témoignage d’un jardin d’éden mythique, ces morceaux de nature n’ont rien de naturel. Aurélie Slonina fait apparaître la nouvelle étrangeté de ces entités hybrides, nature entièrement pensée et travaillée par les hommes. Soucoupes volantes ou paysages virtuels de jeu vidéo, la nouvelle nature est devenue surnaturelle.

Pourtant, son travail ne nous renvoie pas à un état de nature perdu ou à une nature sauvage, qui aurait existé avant ou en dehors de la ville et de la civilisation humaine. Cette nature vierge de tout artifice n’est qu’un mythe et Aurélie Slonina n’a de cesse de nous montrer les entrelacs compliqués de l’artifice humain et de la nature. Qu’est-ce que la Nature dans cette nouvelle ère qu’on appelle l’anthropocène, où les activités humaines ne prennent plus seulement place dans la nature mais ont commencé d’avoir un effet décisif sur toute la planète ? Botaniste et jardinière urbaine, Aurélie Slonina observe avec fascination et minutie ces artefacts, ces hybrides de nature et de culture humaine. À l’instar de la nature bricoleuse, elle cultive toutes sortes de matériaux pour donner vie à ces objets et nous les donner à voir. À l’heure où les villes du monde se réinventent pour n’être plus l’opposé de la nature, mais cherchent à reconnaître et à développer leur entremêlement avec la nature, en créant des couloirs verts, en favorisant les espèces locales et la biodiversité, Aurélie Slonina nous invite, avec humour, à nous réapproprier notre milieu technologique urbain, fruit de la nature et de l’invention humaine. C’est au sein même des villes qu’il nous faut cultiver la nature.

La nature, ce sont les carrés choisis de fleurs que nous exhibons au milieu du béton. La nature, ce sont les ondes électromagnétiques qui viennent se superposer aux treillages sur lesquels nous avons fait pousser des plantes, et qui constituent notre nouveau milieu naturel. La nature, ce sont les odeurs « naturelles » que nous capturons dans des boîtes en plastique par l’entremise de molécules créées ad hoc. Impossible de séparer l’artificiel d’une pure nature. En replaçant les désodorisants dans leur milieu « naturel », pour qu’ils viennent respirer l’air de la mer ou de la forêt, Aurélie Slonina dévoile l’artificialité incongrue de l’objet face à l’élément dont il est censé nous donner une bouffée. Mais ce n’est pas pour révéler à notre regard la « vraie » nature. L’installation rappelle au contraire que notre regard transforme toujours la nature en lui donnant un certain sens. Ici, c’est par les yeux (le nez) du désodorisant, nouvel avatar du voyageur romantique contemplant la mer, que nous regardons le paysage sous nos yeux.

Gardons-nous de l’illusion d’une nature définitivement enclose, totalement domestiquée. Car celles que nous avons désignées comme les mauvaises herbes poussent entre les dalles de béton, et les orties viennent nous piquer les chevilles. Ces mauvaises herbes s’installent avec Aurélie Slonina dans le tracé bien net et symétrique d’un jardin à la française et se jouent de nos plans parfaits. Les champignons reprennent possession du salon disposé sous les arbres, ils croissent sur la paroi artificielle des Buttes Chaumont, venant perturber et se réapproprier ce que nous avions défini comme la belle nature, la nature civilisée.

Ça pousse, repousse, jusqu’à nous faire pousser nous-mêmes, avec la figure de l’homme à capuche, le citadin vert, mutant végétal. Cette silhouette, qui réapparaît à distance dans le travail d’Aurélie Slonina, est à la fois reconnaissable et non identifiable. Figure cosmopolite de l’Urbain, il pourrait être « jeune de banlieue » ou « hipster ». Sous le camouflage de son uniforme cosmopolite, il fait lui-même partie du mobilier urbain, figure organique hybride, rejeton de la ville et de la technologie. Aurélie Slonina ne lui assigne pas un sens prédéterminé, pas davantage qu’aux autres figures humaines qu’elle pose ça et là dans son travail. À ces personnages de s’inventer – à nous de nous inventer et de définir notre rôle avec les choix que nous faisons dans l’espace social.

Et le sens surgit dans la ville, comme dans ces graffitis végétaux imaginés par Aurélie Slonina et que les gens exp(l)osent à leurs balcons. Dans cet environnement urbain, le naturel devient l’exceptionnel, et fait signe. Les graffitis-géraniums, lointains descendants du buisson ardent de Moïse ravivé par Aurélie Slonina, sont le lieu où s’exprime un sens, énergie ou frustration que ne peut contenir la ville. Les tensions sont là aussi, et avec Games, Aurélie Slonina va jusqu’à montrer la maison en feu. Là encore, elle nous ouvre des pistes, des voies possible : danger imminent ou simple jeu, à nous de voir…

 

 

 

Sophie Peyrard pour GREENKISS

www.greenkiss.fr / 2013

 

Tu as jusqu’au 19 janvier, une expo solo à la Galerie Jeune Création, Vegetal Invaders #1, un exemple d’invasion végétale?

Il y a une oeuvre exposée ici qui s’appelle Vegetal Invaders composée de stickers qui peuvent être placés dans la ville comme du street art. Ce sont des jardinières urbaines, monstrueuses en béton, au final d’ailleurs il y a plus de béton que de plantes, et là on dirait des soucoupes volantes qui flottent ds l’espace et qui viennent nous envahir. C’est un peu comme si cette nature était modifiée, pas du tout naturelle, c’est cette nature qu’on va faire pousser sous serre, typique d’une nature avec engrais, etc. Je distingue deux sortes de nature dans mon travail d’une part cette nature là et d’autre part les herbes folles, les indésirables…

Cela me fait penser à ton œuvre Wild / Crash / Push, ces jardinières de géraniums en forme de graffitis…?

Oui, c’est aussi un travail sur la nature « modifiée », comme le géraniums qu’on met sur nos balcons, qu’on peut acheter chez Truffaut, chez Jardiland, toute cette nature contenue dans des jardinières, et puis, le monde du street art et ces graffitis qui poussent un peu comme des mauvaises herbes, qu’on cherche à enlever et qui reviennent sans arrêt. C’est l’idée de confronter ces mondes qui a fait naitre ces jardinières un peu particulières, comme des objets hybrides entre deux mondes qui n’ont rien à voir ensemble. C’est un peu le propret, le clean qui rencontre le désordre, le trash.

Tu as aussi une œuvre qui s’appelle Mauvaises Herbes, peux-tu nous en parler ?

Dans l’installation, j’ai tracé des plans de jardins à la française datant du XXVIIème siècle, dessinés par Le Notre que j’ai détournés. Ces jardins sont très rigides, très contrôlés, et très maitrisés par l’homme mais à la place de mettre des rosiers et des buis, je mets des mauvaises herbes, des orties, des ronces que j’ai collectés en milieu urbain. Ce qui m’intéresse c’est le mélange complètement improbable que cela rend. Cette absurdité montre les excès de l’homme à tout vouloir maitriser à tout prix, mais à force de trop de maitrise, ça déraille, ça dérape… les OGM finalement, c’est un peu ça… Quand tout est trop maitrisé, on tombe dans l’anormalité, c’est ce que je veux montrer.

Il y aussi cette œuvre que j’aime beaucoup pleine d’humour, très décalée, qui s’appelle Fraîcheur Marine, peux-tu nous en parler ?

Les idées me viennent souvent parce que je dois les faire in situ. J’ai été invitée à la biennale d’Anglet face à la mer et je travaillais à l’époque sur cette idée d’artifice et de nature, ça s’est imposé à moi: un désodorisant face à la mer. Quand on arrivait sur le lieu on sentait vraiment très fort l’odeur de l’iode… Une fois l’œuvre exposée, on pouvait même se demander si ça ne venait pas du désodorisant ! Il est complètement artificiel mais il s’insérait bien et se confondait même au paysage parce qu’il était bleu et, parfois le ciel faisait qu’on arrivait à ne pas le voir. Il a aussi la forme d’une planche de surfeur ou d’une coque de bateau… Finalement, c’était comme un poumon artificiel mais qui arrivait à s’intégrer dans un paysage naturel.

Ce travail sur la nature « modifiée » qu’est ce que cela dit de toi ?

J’ai grandi dans une banlieue chic où la nature était vraiment hyper maîtrisée. Il y avait des petits ruisseaux, des lacs et des ponts artificiels, très 1900, c’est cet environnement qui m’a construite. Mais ce côté artificiel, créé de toutes pièces, qui ressemble à la maison des Schtroumpfs grandeur nature, c’est aussi complètement insupportable. Pour moi, pour respirer, il fallait aller vers les friches… C’est cette dualité qui m’influence encore aujourd’hui.

Penses-tu que les artistes ont un rôle à jouer dans notre vision de la nature et de l’environnement ?

Je suis sensibilisée aux questions environnementales et je pense que il faut être engagé. Mais dans mon travail je n’ai pas envie de faire la moral, je n’ai pas envie de dire « Il faut être bio ! Il faut participer au bon fonctionnement de la planète !», ce n’est pas mon propos, ce n’est pas ma place. Le travail de l’artiste c’est de poser des questions et créer des choses qui vont surprendre et interroger, parfois c’est avec des choses en décalage, que l’on n’attend pas, que la réflexion nait.

Peux-tu nous livrer un secret ?

Mon désir le plus fou ce serait de visiter une autre planète.

 

 

 

François de Coninck

Galerie Anversville / 2012

 

La nature est-elle soluble dans la culture? C’est sans doute l’idéal des grandes villes, tel qu’il s’incarne aujourd’hui dans les espaces verts, et le fantasme de ceux qui les conçoivent autant que de ceux qui les fréquentent : à défaut de s’éclater en pleine nature, les urbains s’inventent désormais des plaines de jeux qui font comme si. Car ces espaces verts aimeraient bien avoir l’air – l’air pur de la campagne, la campagne d’avant l’environnement – mais à y regarder de plus près, ils n’ont pas l’air du tout : ces jolis pans de verdure découpés, délimités, aménagés, synthétisés, engraissés, conditionnés sous atmosphère protectrice sont décidément trop verts pour être honnêtes. Bien sûr, ils nous dégoudronnent un peu la vie – cette vieille tige en fer blanc coulée dans du béton a bien besoin d’être dérouillée, de temps à autre – mais, surtout, ils nous renseignent sur nos projections d’un état de nature magnifié et sur notre insatiable volonté de domestication des choses, que le développement des moyens de maîtrise technique de tout ce qui pousse, grouille, croît et fleurit dans les interstices de notre existence bien réglée ne fait qu’exacerber. La savante Aurélie Slonina nous le rappelle avec malice : dans les Halles à charbon, ses Mauvaises herbes reproduisent, suivant un plan de jardin à la française du 17e siècle, un parterre de broderie dont la particularité est d’être entièrement composé de mauvaises herbes – des ronces, des orties, des pissenlits, des chiendents, des chardons et d’autres touffes de plantes inconnues auxquelles on ne prête d’ordinaire guère attention. « Une mauvaise herbe, c’est une herbe dont on n’a pas encore trouvé à quoi elle servait », notait Jules Renard à la fin du XIXe siècle. Il aura donc fallu attendre Aurélie Slonina pour qu’une réponse fleurisse comme un sourire naturel au coin des lèvres. Enfin, sur la plaine qui domine le haut du site, un désodorisant monumental, libéré de son cadre domestique et de son usage sanitaire, achève en beauté ce travail de dépollution de notre imaginaire accompli avec brio par l’artiste. Avec Fraîcheur végétale, c’en est bien fini de notre idéal de salon (des arts ménagés : il s’évapore purement et simplement dans la Nature.

 

 

 

Vincent Pécoil

Galerie triple V / 2010

 

Aurélie Slonina fait un art « d’après nature », mais la nature dont il question ici n’a pas grand-chose à voir avec les visions pastorales de l’art d’autrefois. C’est une nature non seulement domestiquée, mais encore synthétisée, et adaptée au monde urbain - une nature devenue « espaces verts », définition purement négative du naturel (c’est-à-dire ce qui, dans la ville, n’est ni goudronné ni bétonné). Cet espace négatif peut être le résultat d’une planification urbaine comme dans Couvre-Feu, ou d’une intervention « sauvage » (i.e., individuelle), comme dans Wild, où la décoration florale (balconnière) est envisagée comme une forme de graffiti ou de tag, sous forme de jardinière. Les deux sont effectivement une forme de signature ou d’expression de soi, une façon de se signaler dans l’espace urbain, d’individualiser une parcelle du territoire.

Un autre Wilde (Oscar de son prénom) pensait que c’était la nature qui imitait l’art. Que c’était le fog londonien qui imitait la peinture de Turner ou de Monet, et non l’inverse. Notre nature d’aujourd’hui n’est plus la même que celle du Londres du XIXème siècle, elle imite la peinture abstraite (les champs de colza font de bons Peter Halley), mais aussi Dada et le Nouveau Réalisme ; elle aussi s’est mise à recycler tout ce qui passe à sa portée. Ce qui est qualifié de naturel aujourd’hui, c’est avant tout le souci des matières premières. En recyclant formes et objets, l’art du XXème siècle, visionnaire, a joué son rôle de pionnier dans ce qui est devenu un impératif économique et écologique (le recyclage), et l’on peut déceler dans le travail d’Aurélie Slonina, qui est une image de l’art autant que de la nature qui l’imite, une velléité de boucler la boucle.

Les engrais, les désodorisants, ou les colorants ont pour fonction de rendre la nature plus conforme à son image idéale. En ce sens, les artifices appliqués à la nature relèvent d’une sorte de classicisme. La Fraîcheur marine (une sculpture en forme de déodorisant d’intérieur géant, installée sur la côte), en suggérant la diffusion de l’odeur de la mer, jette le trouble sur l’origine véritable de la « senteur » (l’équivalent pour l’odorat de « l’espace vert » pour la nature). Ce faisant, il peut paraître logique qu’elle s’intéresse à d’autres formes de classicisme, comme les jardins à la française ou leurs lointains descendants comme la succession des terre-pleins et des rondspoints de Couvre-feu, dont les séquences évoquent une phrase en morse. Car l’idéal qui était l’horizon de cet art rejoint l’objectif de maîtrise de la nature né à la même époque et oriente toujours notre civilisation. Le jardin à la française, expression de la volonté cartésienne de se rendre « comme maître et possesseur de la nature », rejoint dans le travail d’Aurélie Slonina le plaisir enfantin universel de contrôler des mondes miniatures, en renvoyant, non sans malice, les deux ambitions dos-à-dos.